24ème Congrès du SNUI à Perpignan 17, 18 et 19 juin 2003

Communication

DE LA SOUFFRANCE À LA VIOLENCE AU TRAVAIL


Résultante du mandat du congrès de La Rochelle, cette communication prend aujourd’hui toute sa place dans un contexte de dégradation généralisée des conditions de travail.

D’autant, qu’entre temps, la loi dite de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a posé le principe de la reconnaissance du harcèlement moral dans l’entreprise.

Depuis, les avatars n’ont pas manqué : jurisprudence particulièrement restrictive, modification de la loi, à peine un an après son entrée en vigueur (la charge de la preuve incombant désormais à la victime), absence de reconnaissance réelle et manque d’implication des acteurs médicaux-sociaux.

Autant d’éléments qui alimentent le débat et qui posent avec encore plus d’acuité la question de la place et du rôle de l’organisation face à ce phénomène éminemment social et politique.

C’est avec l’aide des nombreux travaux de sections et des réflexions de la CNS mise en place en décembre 2002 que nous allons tenter d’y répondre.

Avant d’en arriver là, il est cependant indispensable d’identifier les causes (conjoncturelles ou structurelles) qui ont conduit à l’émergence de ces situations.

Car, si la pression ou le stress ont été de tous temps des composantes du monde du travail, parfois analysées comme facteur de motivation individuelle ou collective, le phénomène de souffrance au travail est relativement récent.

Il s’inscrit dans un contexte socio-économique marqué par le triomphe de l’ultra libéralisme.

Ce système, fondé sur la nécessité économique et surtout sur l’absence d’alternative a su exploiter la peur comme moteur :

  • peur des restructurations,
    peur des nouvelles technologies,
    peur du chômage,
    peur de la précarisation,
    peur de l’avenir,
    et pour finir, peur de l’autre

L’homme n’est plus perçu aujourd’hui comme acteur du lien social mais uniquement au travers de son « employabilité », autrement dit de sa capacité à s’adapter à tous les caprices du dogme économique.

[Employabilité : néologisme utilisé par Robert Reich, économiste américain, secrétaire au Travail en 1996]

D’autant que la plupart des études, tant nationales qu’internationales, n’abordent les situations de souffrance au travail que sous le seul angle de l’absentéisme, et donc du coût pour l’entreprise, preuve qu’à l’heure d’aujourd’hui, même la souffrance devient une variable d’ajustememt économique.

Rupture du lien social, individualisation, déshumanisation, précarisation, culpabilisation, c’est bien à une perte de repères sociologiques et à une crise des valeurs que l’on est confronté, la forte désyndicalisation dans le monde de l’entreprise ne faisant qu’accentuer le phénomène.

Crise d’autant plus profonde que toutes les enquêtes de victimisation au travail ont démontré que le secteur public, longtemps considéré comme protégé, n’échappe pas au processus de souffrance au travail.

En effet, dès le milieu des années 90, au nom du sacro-saint dogme libéral, les velléités politiques de transposition des règles de fonctionnement du privé se sont fait jour. Et aujourd’hui, ce sont souvent les contraintes de l’économie concurrentielle qui servent de justifications aux réformes qui touchent le secteur public :

  • remise en cause des missions,
    réorganisation des services, restructurations, suppressions d’emplois,
    flexibilité accrue favorisée par une polyvalence qui n’est que de capacité et non pas de compétences,
    déréglementation de la gestion avec mise en place d’un système basé sur l’individualisation, la contractualisation et l’évaluation personnelle des performances, système rendu possible par l’utilisation abusive de l’informatique,
    Harcèlement psychologique au travail érigé en mode institutionnel de gestion,
    Absence d’un véritable dialogue social.

C’est à une destructuration collective et individuelle que l’on aboutit, à une remise en cause des relations de confiance et de respect, en clair à la casse des solidarités dont le service public devrait être garant.

Face à cette violence psychologique mixte (interne et externe, horizontale ou verticale), le SNUI se doit d’avoir une réponse à deux niveaux : la prévention et le traitement des situations avérées de harcèlement au travail. [Le préambule de nos statuts n’affirme-t-il pas que « la justice sociale doit garantir à chaque homme et à chaque femme des conditions de vie compatibles avec le respect de sa dignité, de son intégrité physique et morale... »].

Aujourd’hui, le harcèlement psychologique doit être appréhendé davantage comme un mode de gestion que comme le résultat d’un comportement individuel.

Pour détecter et prévenir, il faut donc replacer les situations individuelles dans un cadre collectif, ce qui suppose de penser la souffrance comme la traduction d’un sentiment partagé d’insécurité sociale.

Il s’agit de réagir collectivement à l’industrialisation du service public, de combattre le dogme libéral en réaffirmant le primat de l’humain sur l’économique, de combattre la dictature de la peur.

Notre rôle consiste à restaurer le lien social, à faire revivre le verticalisme, en clair à recréer les solidarités à tous les niveaux.

C’est ainsi que nous pourrons imposer une Gestion Humaine des Ressources aux lieu et place de la GRH.

Seule cette orientation politique forte de notre syndicat permettra d’éviter ce que le sociologue Jean Pierre Le Goff nomme la psychologisation et la victimisation des rapports sociaux et qu’il considère comme les effets pervers de la loi de « modernisation sociale ».

Seule cette orientation politique forte permettra de dénoncer la violence organisée et les aspects politiques et économiques des conditions de travail en redonnant toute sa place et tout son rôle au syndicat dans la définition et les conditions d’exercice de nos missions.

Mais il faut également avoir une réponse dans les situations avérées de harcèlement au travail, dans le cadre de la défense individuelle et de la protection des agents, de tous les agents (y compris du militant syndical).

Nous avons un devoir collectif d’explication, d’information, de formation, de signalement, de conseil, de soutien, là encore de solidarité.

Il s’agit à ce niveau de créer une dynamique de prise en charge de la souffrance au travail sans jamais se substituer à la victime.

En ce sens, seule peut être efficace une approche pluridisciplinaire permettant de démultiplier les intervenants : acteurs médicaux sociaux (médecin de prévention, assistantes sociales), hiérarchie administrative, instances de concertation (CTP, CHS-DI), consultants extérieurs (associations de défense, psychologues, avocats...).

Parallèlement, il est indispensable de clarifier le rôle et la responsabilité de chacun de ces acteurs et d’impulser, avec la FDSU, une véritable politique ministérielle de prévention s’inscrivant dans le cadre de l’élargissement des compétences des CHS aux conditions de travail.

C’est en menant collectivement ces deux démarches complémentaires que le SNUI réussira à promouvoir l’intérêt général qui ne peut se résumer à la somme d’intérêts individuels.

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