Le parcours budgétaire (PLF, PLFSS) pour 2026 restera sûrement dans les annales en termes de complexité, sans qu’on puisse préjuger de l’issue de tout cela à l’heure actuelle. Il faut se munir d’un tableau noir de bonne taille, ou plutôt d’une IA (pour être moderne …) et d’une conséquente quantité d’aspirine pour les maux de tête récoltés à suivre les différents « mouvements tectoniques ».
Mais il y a des moments de grâce dans l’affaire. On vient d’en voir passer un beau s’agissant du PLFSS, avec la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés dite « C3S », qui est furtivement passé de vie à trépas avant une heureuse résurrection. Un député du bloc central, voulant lutter contre l’affreuse taxation de la production dans ce pays de soviets, avait déposé un amendement de principe supprimant ladite C3S, mais pas forcément cette année … Pas de pot pour l’amateur de symbole : le RN s’est entiché de son texte et l’a fait passer. Et hop : 5,4 milliards de recettes perdues ! Joli …
Heureusement, tout ceci a pu être remis en place. Mais la chose mérite quand même d’être développée. Cette contribution, si elle rapporte pas mal, est limitée pour la société concernée. En effet, son taux est fixé à 0,16 % du chiffre d’affaires. Nous ne sommes pas vraiment là dans le registre du confiscatoire … Par ailleurs, elle ne concerne que les sociétés ayant au moins un chiffre d’affaires hors taxes, supérieur à 19 millions d’euros. Autant dire que l’entrepreneur de base ne sera pas franchement concerné …
Cette péripétie est un peu une marque du n’importe quoi et de l’envolée lyrique qui caractérisent parfois ces débats. En fait, au vu de son mode de calcul et de son rendement, sa suppression était juste … complètement irresponsable. Si le coup est parti d’un député plutôt libéral, il est marquant de voir que c’est le Rassemblement National qui l’a porté.
Cela peut passer pour une lubie ou pour une éruption incontrôlée. Comme lorsque le parti d’extrême droite expose sa trajectoire de réduction de la dette. En effet, selon l’interlocuteur qui cause dans le poste, le montant évoqué bouge légèrement, genre de quelques dizaines de milliards (une paille, quoi …) et s’étale sur une période très précise … entre 1 et 5 ans (!)
Rappelons aussi qu’à l’ouverture des débats, le RN s’est illustré en votant contre l’article 1, celui qui autorise l’État à prélever l’impôt. Sans cet article, l’État ne peut tout simplement plus fonctionner. On nous rassure : « c’était symbolique ». Symbolique, sans doute. Inquiétant, certainement.
Au vu de l’exemple de la C3S, on peut en faire une toute autre lecture, bien au-delà du côté foutraque ou nihiliste façon no future (tiens, ce seraient donc des punks à l’extrême-droite ?!!!?). En effet, pour un parti politique qui s’affiche en défenseur résolu des « petites gens » et autres « sans grade », cela la fiche franchement mal. Ce n’est pas seulement inconséquent, cela montre une orientation profondément libérale, avant tout soucieuse de ne pas froisser la partie la plus conservatrice du patronat – celle qui saute au moindre frémissement fiscal.
Plus largement, il y a peut-être actuellement une partie de poker menteur format XXXL dans les travées du Parlement. Mais la plus grande supercherie à l’œuvre est peut-être celle de ce parti qui travestit éhontément ses desseins. Or, c’est sur un sujet certes aride, mais fondateur dans le fonctionnement des institutions. En tout état de cause, ces questions budgétaires, les services publics et nos concitoyen.nes méritent des débats exempts de postures ou de solutions à l’emporte-pièce, sachant que pour le coup ladite pièce ici se mesure en milliards d’euros et qu’elle est un carburant premier de l’action publique.
Aventuriers budgétaires et masques (… qui tombent)



