Encore un guide… et toujours les mêmes questions !

Encore un guide… et toujours les mêmes questions !

Ce GT consacré au nouveau guide sur l’évaluation et la prévention des risques professionnels a confirmé notre constat : on continue de produire des textes, mais sans que cela ne change grand-chose pour les agents et agentes. Une fois encore, l’administration présente un beau guide bien construit mais qui reste largement déconnecté du travail réel. La prévention doit se traduire dans des moyens, des actions visibles et une politique cohérente de santé au travail ; pas seulement dans des déclarations de principe.

La situation actuelle devrait nous alarmer et surtout obliger l’administration à revoir les choses en profondeur, au lieu de se contenter de réactualiser le guide dédié aux enquêtes à la suite d’un acte suicidaire. Le dispositif des premiers secours en santé mentale (PSSM) n’est vraiment pas la mesure concrète que nous attendions, non plus.

LES PREMIERS SECOURS EN SANTÉ MENTALE

Le dispositif des PSSM nous interroge d’autant plus qu’il ne s’inscrit dans aucune articulation avec les politiques existantes de santé au travail. En privilégiant une approche centrée sur la détection et le soutien individuel, il contribue à déplacer le problème hors du champ du travail. La logique sous-jacente est celle d’une individualisation de la prise en charge : on forme des agent·es à repérer la détresse de leurs collègues, à la nommer, à orienter vers un relais médical ou psychologique, mais on ne questionne jamais dans l’organisation du travail, ce qui produit cette détresse. La souffrance devient un fait psychologique et non social, un trouble à prendre en charge plutôt qu’un signal d’alerte collectif.

AVANTAGES
À court terme, ce dispositif peut permettre de repérer précocement certains risques suicidaires.
Dans le meilleur des cas, on réduira peut-être quelques passages à l’acte, mais le travail restera inchangé.
INCONVÉNIENTS
Cette formation ne garantit en rien que les causes profondes soient traitées, elle donne juste une illusion d’action : – une institution qui « agit » pour la santé mentale.
Ce dispositif évite soigneusement de toucher aux causes structurelles qui détériorent la vie au travail : surcharge, perte de sens, tension, isolement, délitement du collectif.

L’ANALYSE DE SOLIDAIRES FINANCES

Cette approche traduit un glissement idéologique majeur : la responsabilité de la souffrance est renvoyée à l’individu, sommé d’être vigilant, bienveillant et résilient, pendant que l’employeur se dégage de son obligation de sécurité envers ses personnels. Le discours du « premier secours psychique » devient ainsi le paravent d’un désengagement institutionnel, un outil de communication plus qu’un levier de transformation. Sous couvert de prévention, c’est en réalité une gestion morale des symptômes qui s’installe, afin d’invisibiliser des causes politiques et organisationnelles de la dégradation de la santé au travail.

LE GUIDE D’ÉVALUATION DES RISQUES

Nous avons rappelé que la prévention doit redevenir un projet collectif, construit à partir du travail réel avec les agents, les agentes, les représentants, représentantes du personnel et les encadrants, encadrantes. La démarche doit cesser d’être un exercice formel ou individuel. Elle doit aussi intégrer une lecture genrée des situations, car les expositions et les atteintes à la santé ne sont pasles mêmes selon le genre.

Enfin, Solidaires a souligné combien les cadres de proximité manquent d’outils pour faire vivre les démarches de prévention au quotidien. Ce sont souvent eux qui portent le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), sans soutien, sans formation, et sans repères méthodologiques. En plus de ce guide, l’administration doit leur fournir des ressources concrètes, au fil de l’eau.

LA SITUATION ACTUELLE
La prévention se limite surtout à un exercice formel de complétion du DUERP et du PAPRIPACT.
Le nombre de suicides à la DGFIP et dans les autres directions est alarmant.
Un décalage croissant entre les discours et les actes. Ainsi des directions emploient seulement 14 % des crédits prévus pour la politique santé, sécurité et conditions de travail
CE QUE SOLIDAIRES EN PENSE
La prévention devrait être une affaire de santé, de reconnaissance et organisation du travail. Elle devrait mener des actions améliorant les conditions de travail.
Cette situation provient d’un environnement de travail dégradé par des années de politique de suppressions de postes, de réformes et restructurations incessantes.
Nous pouvons légitiment nous interroger sur la capacité de l’administration à mener des politiques directionnelles en santé, sécurité et conditions de travail. Il semble que l’opérationnel soit plus capable de le faire, autrement dit il nous reste des tacticiens mais plus de stratèges.

LES AMÉLIORATIONS OBTENUES PAR SOLIDAIRES FINANCES

  • L’administration a reconnu la nécessité d’insister davantage sur la dimension collective de la prévention.
  • L’administration s’est engagée à travailler sur une fiche spécifique pour les cadres de proximité, afin de leur donner des repères concrets.
  • Les avis liés aux DUERP et aux Programmes Annuels de Prévention des Risques Professionnels et d’Amélioration des Conditions de Travail (PAPRIPACT) seront désormais intégrés dans l’outil PrevAction, pour une meilleure traçabilité.
  • Une fiche d’évaluation du guide sera ajoutée en fin de document pour permettre un retour d’usage.
  • L’idée de mutualiser les ressources existantes, pour que les mesures de prévention réussies puissent circuler entre services, a également été retenue.

La question d’un PAPRIPACT pluriannuel a été ouverte au regard de la réalité de l’exercice. Il est obligatoire d’avoir une évaluation et un PAPRIPACT annuels. Cependant un cadre fixé sur plusieurs années pour mettre en oeuvre les mesures et les choix fixés est envisageable.

GUIDE DÉDIÉ AUX ENQUÊTES À LA SUITE D’UN ACTE SUICIDAIRE

Le travail de mise à jour du document a été salué. Solidaires a remercié le travail des APMP qui a permis d’affiner le détail de l’exécution des crédits SSCT. Si nous avons rappelé que ces derniers doivent respecter les principes d’exemplarité, d’urgence et la complémentarité, force est de constater qu’au niveau local nous pouvons être circonspects quant à leur affectation. Cela montre que globalement l’appropriation d’une politique SSCT au niveau local n’est pas acquise.

LES AMÉLIORATIONS OBTENUES PAR SOLIDAIRES

  • Une formation spécifique sera mise en place pour les membres des délégations d’enquête.
  • L’amélioration du lien entre le réseau ministériel et les formations spécialisées de réseau a été retenu.
  • Le développement de différentes formes d’accompagnement, possiblement avec un cabinet extérieur.
  • Le suivi des recommandations devra être tracé dans le PAPRIPACT.
Au final, ce groupe de travail aura permis d’avancer sur un certain nombre de point. Mais le fond du problème demeure : les moyens restent insuffisants, la politique de prévention manque d’engagement et d’un pilotage directionnel effectif. Nous continuerons à porter que la prévention cesse d’être un sujet de communication pour devenir enfin une réalité concrète, au service des agents et agentes. Par ailleurs, si nous pouvons être rassurés quant à la consommation des AE de ce crédit, serons-nous en capacité de les consommés réellement en fin d’année ? Au regard du fait que le budget de l’État risque de n’être vraisemblablement voté que tardivement, tout ceci risque de ralentir l’exécution budgétaire de ces fameux crédits.