LES FINANCES AU CRIBLE

LES FINANCES AU CRIBLE

Enf…é de Père Noël ! Il a glissé sous le sapin la livraison 2025 de l’observatoire, histoire de nous gâter le goût de la dinde du réveillon … Plus sérieusement, BVA a présenté son étude annuelle, sorte « d’état moral » de l’ensemble du ministère. Comme chaque année, le document (fouillé …) est très riche d’enseignements et devrait utilement alimenter les réflexions. Il prouve aussi que les organisations syndicales ne racontent pas (que) des bêtises …

Le coin du (non-) soupçon …

Notice préalable : pour les esprits soupçonneux et autres « c…n-plotistes », l’étude est basée sur plus de 65000 réponses, soit 1 agent sur 2. Elle fait également l’objet de redressements statistiques, histoire d’éviter les effets déformants. C’est donc, à notre sens, un verdict largement digne de confiance, dont nous vous proposons quelques points saillants.

« ET VOUS, LE CHANGEMENT, VOUS LE VIVEZ COMMENT ? »

C’est un peu ainsi que l’on pourrait résumer cette première partie. Et la réponse est : plutôt mal …

Sur l’état d’esprit, la colonne des sentiments négatifs est bien plus haute que sa collègue des opinions positives. Par exemple, «désabusé » revient pour un tiers des agents. L’évolution dans le bon sens, c’est non pour 57 % des agents. Certes, ces niveaux sont un peu moins dramatiques que les années précédentes. Mais ils restent très négatifs et surtout bien plus dégradés que la moyenne Fonction Publique d’État (FPE). Illustration : le rythme des changements. Si ce dernier est adapté pour 42 % des répondants FPE, à Bercy, vous divisez ce niveau par 2 !

Pour les directions, la situation est plus contrastée. Si le moral est meilleur dans les directions de la centrale (SG, Budget, Trésor…), la dominante est négative dans les directions du réseau, à l’exception de l’INSEE. Et la palme de la sinistrose (même avec des chiffres un peu meilleurs) revient à ? DGFiP et DGDDI, avec respectivement 60 et 61 % d’agents qui estiment que leur direction va dans le mauvais sens. Dans ces deux directions, seulement 1 agent sur 4 (DGFiP) et 1 sur 5 (DGDDI) pense qu’on est dans la bonne voie.

Le constat est aussi largement partagé quelle que soit la catégorie. Si on enlève les A+, toutes les autres sont avec une prédominance négative. Le record (comme l’année dernière) revient à la catégorie B avec 66 % qui estiment que l’on va dans le mauvais sens. Il y a aussi, toujours comme en 2024, un bonus (malus plutôt, pour le coup…) pour les B encadrants (70 %).

Pour le chiffre qui rassure les hautes sphères (pourcentage qui se disent prêts à suivre une mobilisation), on revient à un étiage plus conforme à ce qu’il est depuis 15 ans (hors 2023 notamment) : 28 %. Mais au fond, cela ne veut pas dire grand-chose, comme l’a démontré l’année 2023 et le conflit des retraites.

« MOTIVÉS ET FIERS ? TOUJOURS ! »

Voici la séquence douce : les agent·es demeurent engagé·es et fier·es de travailler dans leur ministère / direction, avec des taux très élevés. Par exemple, le cumul des très et assez satisfaits d’être aux Finances atteint 68 % (nota pour calmer l’euphorie : c’est moins fort que dans le reste de la FPE). Par contre, patatras ! Si on parle d’optimisme sur son propre avenir au sein de la direction, on rebascule sur du négatif (54 % contre 35), même si ces chiffres tendent à être moins dégradés que par le passé).

Par direction et par grade, on retrouve aussi cet attachement des agents à leur administration.

Sur l’information et le fait de se sentir acteur/actrice des évolutions, on retrouve des constats proches de ceux de 2024. Pour l’information, c’est très partagé, presque moitié /moitié entre bien informé ou non. Pour se sentir acteur, euh… oui, comme figurant ! Seulement 24 % sont d’accord avec l’affirmation contre 68 % qui ne le sont pas… Là aussi, c’est moins pire qu’avant… mais quand même très bas.

En termes de sources d’information, les trois vecteurs (syndicats / intranet / « manager ») sont tous orientés positivement. Ces fichues organisations syndicales bénéficient même d’un solide 63 % et – ne boudons pas notre plaisir – nous sommes au-dessus de la moyenne FPE, cas rare dans cette étude. Mais pour être honnête, la plus forte progression est réalisée par les managers, qui restent toutefois sous le niveau des syndicats.

S’agissant de l’engagement environnemental, même si ce n’est pas une révolution complète, on voit néanmoins un regard plutôt positif sur les évolutions. C’est aussi un message que l’on peut signaler aux équipes et collègues en charge de ces aspects au travers de leurs missions.

ORGANISATION, EFFICACITÉ, …

Ici, on juge notamment la répartition de la charge de travail, les marges de manœuvre et la définition des rôles entre autres. Globalement – et assez largement – c’est un satisfecit, avec des bémols parfois costauds (répartition de la charge de travail par exemple). Par contre, si on traque les signaux faibles, on voit quand même que beaucoup de chiffres d’évolution sont assortis d’un « – », notamment en ce qui concerne le fonctionnement.

De même, pour le service à l’usager – qui est le fondement numéro un –, ou encore la collaboration entre structures, il y a un regard positif nettement dominant. Mais ici et là, un certain nombre de « – » jalonnent les colonnes.

Pour les outils numériques, là aussi, c’est positif, à la limite du plébiscite… En tout cas, les chiffres sont orientés à la hausse. Par exemple, sur l’adaptation aux différents modes de travail, les « satisfaits » ont progressé d’un peu moins de 30 points en 4 ans.

Le regard sur l’encadrement est aussi sur une pente ascendante, le pourcentage des « satisfaits » prend en effet quelques points sur tous les indicateurs évalués.

CONDITIONS DE TRAVAIL

Là-encore, le ministère risque de hisser le grand pavois : les évaluations sont positives que l’on parle de conditions matérielles, de charge de travail ou d’équilibre avec la vie privée.

30 % des répondants mettent une note de 8 à 10 sur leur qualité de vie au travail. C’est un bond de presque 10 points par rapport à 2024. Néanmoins, ils/elles sont aussi 33 % à mettre un niveau de stress avec la même note.

On observe aussi des différences que l’on a déjà retrouvées plus haut. Les deux directions DGFiP et DGDDI (et à un moindre degré la DGCCRF) sont à des niveaux bien plus faibles que les autres directions. S’agissant de la distinction par grade, on repère encore le décrochage au niveau de la catégorie B, avec le sentiment de défiance renforcé chez les B encadrants.

Pour le niveau de stress, il est plus fort chez les encadrants à titre général, ce qui est un message que l’on doit relever.

Pour le télétravail, les agents·es qui y ont recours amplifient encore un score stalinien : 95 % en font un bilan positif.

RECONNAISSANCE, VALORISATION, FORMATION

Ici, la situation est très simple : c’est positif partout. Ou presque …

La (grosse) mouche dans le lait : la rémunération. A la question « êtes-vous satisfait de votre rémunération ? », c’est « pas d’accord » à 60 %. S’agissant de ce mal-être salarial, il est, à l’instar des études précédentes, beaucoup plus fort en C et B (ces derniers ont le taux le plus faible, notamment chez les B encadrants).

En termes de perspectives de promotion, le regard reste très négatif, même si les % sont un peu moins rudes que l’année dernière. C’est près des deux tiers des agents qui se disent insatisfaits de leurs perspectives de promotion. Et ils/elles ne croient pas beaucoup (mais un peu plus qu’avant …) à l’objectivité des critères appliqués (57 % de « défiants »).

Fait assez remarquable : quelle que soit la structure (direction, service…) cette défiance est partagée. En ce qui concerne la vision par catégorie, ce sont encore les B qui font état du sentiment le plus fort : seulement 22 % (et 20 % en B encadrants) croient à l’objectivité des critères de promotion. Les C ne sont toutefois pas loin (26%).

Le coin du mauvais esprit : dans les 15 structures (total MEFSIN et composantes) identifiées dans cette étude, aucune n’atteint la moyenne (50 %) pour la satisfaction sur les possibilités de promotion et les critères de choix (à l’exception de la DG Trésor qui fait un 50 % tout juste sur les critères).

S’agissant de la lutte contre les discriminations, Bercy peut s’enorgueillir d’un chiffre de 87 % qui ne pensent pas en avoir été victimes. 8 % ont le sentiment contraire. Arithmétiquement, cela peut paraître faible. Sauf si on considère que c’est aussi près d’1 agent sur 10, ce n’est qui n’est pas négligeable.

Parmi les critères impliqués, sexe, âge, santé et origine sont les plus mis en avant. Les secteurs touchés sont, en grande logique, l’évaluation, la promotion ou l’accès à un poste.

S’agissant des dispositifs mis en place pour y faire, c’est plutôt une certaine confiance qui règne. Il y a aussi une prédominance (70 %) d’agent·es qui se disent à l’aise pour une alerte sur une situation de discrimination ou un comportement inapproprié. Ce qui est plutôt encourageant, même si ce n’est pas une raison pour baisser la garde, loin s’en faut.

On se vexe ? En cas de survenance d’une situation, l’agent·e se tourne plutôt vers la hiérarchie (69 %) que vers les représentant·es du personnel (22 %). En fait, nous ne sommes pas trop contrariés. En effet, dans le monde administratif – hiérarchisé –, ce constat est assez attendu. A noter : les intervenants « spécialisés » (cellule, référent…) sont peut-être encore trop peu identifiés au vu des faibles pourcentages.

En conclusion …

Grosse fiesta en vue dans les hautes sphères du ministère pour fêter les chiffres présentant une tendance (modérée…) à l’amélioration ? On va tempérer quelques ardeurs. Sur des éléments importants, quand c’est négatif, cela le reste et pas qu’un peu ! même si on grappille 2 ou 3 %. A ce train-là, effectivement en laissant passer une bonne dizaine d’observatoires, on pourrait peut-être arriver à 50 % d’optimistes en prenant rendez-vous pour l’observatoire 2035 ou 2045…

Ce que nous retenons surtout, c’est en fait un double constat qui s’affirme année après année :

– un·e agent·e qui aime sa direction, son métier, son environnement (et même souvent sa hiérarchie !)

-…mais qui estime que l’on évolue pas dans le bon sens.

Si on ajoute à cela qu’il/elle est assez largement mécontent·e de sa rémunération, ne croit guère à des évolutions de carrière, surtout dans des conditions « non pipées » pour faire court, cela fait quand même beaucoup et cela met un « stop » assez cinglant à toute démonstration d’enthousiasme un peu trop rapide…

Il faut aussi prendre en compte l’éventuelle « part des dégoûtés », c’est-à-dire une fraction qui n’y croit tellement plus qu’elle appuiera sur « Suppr » dès que le message proposant de répondre à l’enquête arrivera sur les boites mel.

Deux autres éléments nous semblent aussi importants en termes de défiance :

1° le fait que celle-ci soit encore plus développée dans le réseau

2° l’importance du décalage selon les catégories, avec notamment ces scores très dégradés en C et encore en B.

Il existe également un autre trait que nous ne voulons pas passer sous silence. Si travailler aux Finances, ce n’est pas être condamné aux mines de sel, on voit quand même un certain décalage avec le reste de la Fonction Publique. Pour nous, il est évident que le massacre sans fin et les restructurations (tout autant perpétuelles…) ne sont pas pour rien dans l’affaire.

Au final, cet observatoire livre des constats assez clairs et qui, de surcroît, s’ancrent dans la durée. En tout état de cause, ils doivent guider les choix politiques et la façon dont ces derniers sont mis en œuvre, dans les grandes orientations et au quotidien.